11 septembre

  • La littérature après le 11 septembre

     

    La littérature après le 11 septembre

     

         Cataclysme, oui, mais pas naturel celui-là. Cette fois, le prédateur c’est l’homme, et la bête traquée, l’Amérique, cette Amérique blessée, qui chancelle, vacille à l’instar des deux tours, symbole de la toute puissance des USA. Frappée au cœur, pour la deuxième fois, bien que pour la première on ne puisse parler de cœur, c’était Pearl Harbor. Là aussi la surprise fut totale. Mais le contexte était différent. Un contexte de guerre dans lequel l’Amérique ne se sentait pas encore vraiment impliquée et qui a décidé de son entrée dans la guerre la plus folle et la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité.

         11 septembre 2001, une nouvelle forme de barbarie, menée par un ennemi invisible, par des hommes impatients de mourir pour tuer. Là encore, des kamikazes.

         L’Amérique réagit. Brutalement. La lutte contre le terrorisme international va remplacer la guerre froide. La lutte du « bien » contre le « mal ». Bush simplifie le discours à l’extrême. La traque du démon va prendre dix ans. La moitié du monde va s’impliquer à différents degrés. Un marteau pilon pour écraser un frelon. Drôle de guerre que cette guerre contre le terrorisme, entité des plus vagues ancrée sur nul territoire. De toute façon, la guerre est toujours la sanction d’un échec. Mais de quel échec est-il question ?

     

         L’attentat contre Kennedy a suscité plus de films que de romans, à l’inverse du 11 septembre. Il faut dire que déjà en 1998 sont sortis trois films mettant en scène la destruction de New York : Armageddon, Deep Impact et Godzilla. Il faudra attendre 2005 et Spielberg dans son remake de « la Guerre des mondes » où les victimes couvertes de poussière évoquent les survivants des tours, et les cellules dormantes martiennes, les groupes d’Al-Qaida implantés sur le sol américain.

         Avant les romans de fiction, seront écrits poèmes et pièces de théâtre.

         Dix ans après, la littérature a en quelque sorte digéré l’événement. Les fictions l’intègrent dans leur récit. C’est déjà du roman historique. Don de Lillo, avec « L’homme qui tombe », Claire Messud avec « Les Enfants de l’Empereur » et Catherine Musset avec « Un brillant avenir », en sont les parfaites illustrations.

         J’ai choisi d’évoquer brièvement le premier cité, « L’homme qui tombe », paru en 2008 chez Actes Sud.

         Il y a un enfant, à la fois étrange et inquiétant qui passe son temps, les yeux vissés à une paire de jumelles, à guetter le retour de Ben Laden entre deux nuages. Il y a Lianne, sa mère, hantée par la perte de mémoire, qui anime un atelier d’écriture fréquenté par les victimes d’Alzheimer - Alzheimer en un seul mot. Et puis, il y a Keith, l’homme qui tombe. Qui ne cesse de tomber sans jamais atterrir. Il ne cesse de rejouer ce film des corps qui tombent lentement de la tour en feu, lentement par le miracle du ralenti. Il rejoue ce moment en se lançant dans le vide, la tête en bas, accroché à un harnais, de n’importe quelle tour, en bravant la police.

         Trois vies menacées par le vide, le vide de l’existence. Trois vies sans avenir. Trois vies enfouies sous une épaisse couche de mort.

         Extraits : « Puis il vit une chemise descendre du ciel. Il marchait et la voyait tomber, agitant les bras comme rien en ce monde »

    -         'Mais c'est bien pour ça que vous aviez construit les tours, non ? N'ont-elles pas été conçues comme des fantasmes de richesse et de puissance, destinés à devenir un jour des fantasmes de destruction ? C'est pour la voir s'écrouler que l'on construit une chose pareille. La provocation est évidente. Quelle autre raison aurait-on de la dresser si haut et puis de la faire en double, de la dupliquer ? C'est un fantasme, alors pourquoi ne pas le répéter deux fois ? Ce que vous dites, c'est : la voici, démolissez-la.'