Le monde de l'édition

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Réflexions sur le monde de l’édition


    J’ai participé récemment à une session de la SGDL , intitulée « Introduction à l’état d’écrivain ». Nous avons été accueillis à l’Hôtel de Massa, à Paris, par Dominique Le Brun . Divers thèmes y ont été abordés. Ils étaient animés par des personnes très compétentes telles Angela Alves  pour la protection sociale de l’auteur, Florabelle Rouyer  pour le CnL, François Nacfer  pour la MEL, Philippe Masseron  pour les droits de l’auteur, Jean-Paul Naddeo  pour une photographie du monde de l’édition, Pierre Lemaître  pour les relations auteurs/éditeurs, Joëlle Losfeld  et Elizabeth Samama  pour la fonction et le rôle de l’éditeur.

   Je me propose de vous livrer ici quelques réflexions sur le monde de l’édition recueillies durant cette session. Que représente le monde de l’édition dans l’univers économique français ? A vrai dire une toute petite étoile dans une immense galaxie ! Il ne « pèse » que 5 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5 hypermarchés type Carrefour. Et pourtant, placez autour d’une table, lors d’un dîner, un ingénieur, un notaire, un banquier, un directeur d’hypermarché et un éditeur, vous pouvez être assuré que ce dernier sera la cible des conversations. Le poids économique de l'édition n’est pas à la mesure de son image.

   Il y a 6 000 éditeurs en France. Seuls un millier d’entre eux publient régulièrement. Sur ces 1 000 maisons, 10 d’entre elles représentent 80% du marché, et sur ces dix, Hachette et Editis trustent 43% du chiffre d’affaires total. On mesure l’extrême concentration de ce marché. L’édition est en crise. Elle employait 13 000 salariés en 2002, en 2011, ils ne sont plus que 10 000. Et là, ne parlons pas de délocalisation ni de gains de productivité pour expliquer cette chute. Paradoxalement, on n’a jamais autant publié qu’aujourd’hui. En 2002, 30 000 titres étaient produits, en 2011, 63 000 ouvrages sont sortis des presses. Tous ces livres n’ont pas le même destin. 10 000 d’entre eux cumulent 53% du chiffre d’affaires total. Sachant que seulement deux ou trois cents d’entre eux seront visibles chez les libraires, qui ne peuvent guère au plus stocker que trois ou quatre mille titres, et que leur durée de vie n’excède pas trois mois pour la majorité d’entre eux, que peut espérer l’auteur lambda ? 

   Mais pourquoi tant d’ouvrages publiés ?Tout d’abord, les Français écrivent beaucoup. On a coutume de dire qu’un Français sur deux écrit et l’autre peint ! Plus sérieusement, on estime, en France, à deux millions les personnes qui écrivent ou qui ont écrit quelque chose, pas forcément publié, heureusement ! Ensuite, parce que les éditeurs subissent des taux de retours d’ouvrages de plus en plus importants. Plus de 40%, destinés au pilon. Lorsqu’il s’agit de rembourser les libraires, on publie quelques titres de plus pour faire de la trésorerie, et ainsi de suite. C’est le principe même de la cavalerie. Il y a aujourd’hui environ 600 000 titres disponibles à la vente, en théorie du moins car un libraire, je le rappelle, ne peut posséder plus de trois ou quatre mille titres en stock. Et encore, faut-il qu’il s’agisse d’une belle librairie. On produit plus de livres, mais il s’en vend moins car les Français lisent moins. Phénomène de société d’où la technologie n’est pas absente. Internet est chronophage, c’est une évidence. Consultation quotidienne des courriels, réponses à faire, navigation sur la toile, sur les réseaux, jeux… Le Web détruit l’édition des dictionnaires et encyclopédies. Larousse vendait en 2000 1500 000 exemplaires contre 500 000 en 2011, trois fois moins. Terrifiant. Tout est sur le Net, Wikipédia notamment. Cette encyclopédie virtuelle est constamment remise à jour. C’est bien, mais c’est terrible car c’est ainsi que s’enfuit la mémoire d’une époque. Le lectorat se féminise de plus en plus. Aujourd’hui sur trois lecteurs, deux sont des femmes. Alors les éditeurs en tiennent compte dans leurs publications, jusque même dans leurs présentations. Les couvertures doivent séduire l’œil féminin. 


Joëlle Losfeld : 

   - Je reçois en moyenne 4 à 5 manuscrits par jour que j’examine, personnellement. Je le fais car je dirige une petite maison qui n’édite qu’une quinzaine d’ouvrages par an. Nous sommes peu nombreux à travailler dans cette entreprise. A la réception des écrits, j’effectue un premier tri qui consiste à éliminer les manuscrits qui ne me concernent pas, qui n’entrent pas dans le cadre de mes publications.

  - Car il existe encore des auteurs qui ne prennent pas le temps de consulter votre site ou de se renseigner de diverses manières afin de s’assurer que leur production corresponde bien à votre ligne éditoriale ? 

   - Oui, environ un tiers d’entre eux. Un second tri me permet de sélectionner les manuscrits qui seront mis en lecture. Une fiche de lecture est établie pour chacun d’entre eux et est archivée. 

   - L’appartenance au groupe Gallimard ne nuit-elle pas à votre indépendance éditoriale ?

   - Je suis entièrement libre de mes choix éditoriaux. Mes liens avec Gallimard sont uniquement d’ordre financier. 

   - Votre plus beau succès ?

   - En 1999, ma maison a édité « Effroyables jardins » de Michel Quint, auteur qui avait déjà publié chez moi plusieurs autres ouvrages. Nous en avons vendu, toutes éditions confondues, plus d’un million d’exemplaires. Ce roman a été porté à l’écran en 2003. Réalisé par Jean Becker, le film comptait dans sa distribution Jacques Villeret, André Dussolier et Thierry Lhermitte.

   Elizabeth Samama, directrice littéraire chez Fayard, nous confie qu’elle n’a pas de comité de lecture. Tout passe entre ses mains. 

   - De Fallois, Bourgois, Viviane Hamy ne lisent aucun manuscrit qui leur parviennent par la Poste, nous affirme-t-elle. Quant à moi je sais que c’est parmi ces manuscrits que l’on trouvera peut-être le Goncourt de demain. D’ailleurs, Alexandre Jenni a procédé de cette manière. Le coup d’œil d’un éditeur n’est pas infaillible. Les best-sellers ont eux aussi été victime de nombreux refus. Certains éditeurs s’arrachent encore aujourd’hui les cheveux au souvenir d’avoir refusé Harry Potter ou Anna Gavalda. Certains auteurs sont devenus des « marques » tels Amélie Nothomb ou Max Chatham. Leurs lecteurs s’attendent à relire le même livre à chacun de leur nouveau titre. Il ne faut pas les décevoir.

   - La critique aide-t-elle à vendre un livre ?

   - Elle n’existe plus, répond Elizabeth Samama. Les critiques sont des pigistes sous-payés. Ils enfoncent les portes ouvertes. Le temps de Bernard Pivot est révolu, ce temps où nous étions, nous éditeurs, quasiment assurés d’un tirage équivalent à un Goncourt à l’issue d’un « Apostrophe ». 

   Et le numérique ? Il représente en France moins de 1% des ventes. Aux Etats-Unis, dix fois plus. Les éditeurs français sont encore très frileux. Le numérique, c’est la révolution Gutenberg. On ne peut l’ignorer comme les marchands de bougies ont fait au XIXème siècle à l’apparition de l’électricité. Ils ont eu beau les décorer et les parfumer, leur déclin était inéluctable. 

balzac-sgdl.jpgBalzac, l'un des premiers présidents de la Société des gens de Lettres

[1] SGDL : Société des Gens de Lettres.

[1] Dominique Le Brun : secrétaire général de la SGDL, auteur de 190 ouvrages publiés chez Atlas, Solar, Omnibus, Flammarion, Privat, Libris, Larivière, Glénat, Le Cherche-Midi.

[1] Angela Arves : chef de cabinet du directeur de l’IRCEC.

[1] Florabelle Rouyer : Centre national du Livre, adjointe au Département de la Création.

[1] François Nacfer : responsable financier de la MEL, maison des écrivains et de la littérature.

[1] Philippe Masseron : directeur général adjoint du CFC, Centre Français d’exploitation du droit de Copie.

[1] Jean-Paul Naddeo : Créateur des éditions Acropole avec entre autres Robert Laffont et Pierre Belfond, aujourd’hui éditeur et conseil pour le Robert, First et Flammarion.

[1] Pierre Lemaître : auteur chez Calmann-Lévy et Albin-Michel et auteur de scénarios pour la télévision.

[1] Joëlle Losfeld : après un passage chez Denoël et Hachette puis Le Terrain Vague, elle fonde en 1993 sa propre maison d’édition.

[1] Elizabeth Samama : elle a débuté aux éditions Julliard, elle est maintenant directrice littéraire chez Fayard. 

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